jeudi 16 janvier 2014

Tax shelter: 3.000 emplois sont en danger

Nadia Khamlichi (uMédia)

Dans un document que s’est procuré Marianne sur l’impact d’une nouvelle réforme du régime tax shelter auprès des investisseurs, 79% d’entre eux arrêteraient d’investir dans un système, tel que celui des certificats, aujourd’hui sur la table et défendu par l’UPFF, l’Union des producteurs de films francophones. Soit 100 millions d’euros d’investissement perdus par an pour l’industrie technique et artistique de notre pays.


C’est une étude réalisée par la société uMédia, leader en Belgique dans la levée de fonds tax shelter, auprès de 274 investisseurs, qui révèle ces informations à Marianne. Dans ce document, on apprend également que seuls 2 % des répondants disent faire un investissement tax shelter avant tout pour soutenir l’industrie audiovisuelle belge alors que 46 % d’entre eux investissent dans ce système simplement pour l’exonération fiscale.
En outre, une nouvelle réforme du système, plus restrictive selon uMédia comme celle des certificats, n’aurait pas permis à cette société ainsi qu’à Scope Invest, qui représentent, à eux deux, plus de 50 % des fonds tax shelter levés en Belgique, de donner de l’emploi à 3000 personnes… Soit deux fois Arcelor ! Alors que le tax shelter a permis de créer en dix ans plus de 23 % d'emplois supplémentaires dans le secteur de l'audiovisuel. Selon uMédia, avec la révision du système de tax shelter telle que prônée par l’UPFF, cela n’aurait pas permis à ces deux sociétés de produire 134 films ces dix dernières années. Des films tels que The Artist, Rien à déclarer, Cloclo ou Le Petit Nicolas n’auraient pas pu être produits en partie chez nous. Enfin, 358 millions d’euros de dépenses n’auraient pas pu bénéficier au secteur, y compris 101 millions d’euros, rien que pour des films majoritaires belges. « Avec ce nouveau système, pour une même base taxable, les investisseurs recevront en rendement la moitié de ce que la tax shelter leur offre aujourd’hui au minimum », dénonce par ailleurs uMédia dans une lettre ouverte remise au gouvernement fédéral ce jeudi. En outre, toujours selon la société, les certificats n’empêchent aucune des dérives actuelles de continuer d’exister.

La "guerre" des producteurs

L’étude d’uMédia sort sur fond de polémiques autour du système de tax shelter, cet incitant fiscal qui permet à un investisseur d’obtenir une exonération fiscale de 150 % du montant investi dans une production cinématographique. Depuis le 28 décembre, la presse a dévoilé en effet l’existence de dérives dans l’utilisation du système de tax shelter. Les faits dénoncés sont graves : on parle de fraude dans les dépensés liées à ce système, via des filiales facturant des services fictifs, privant les producteurs de l’argent levé. Une situation qui vire actuellement au drame car elle pourrait faire s’écrouler un système qui a conduit tout simplement au succès formidable du cinéma belge ces dix dernières années. D’où la nécessité d’une nouvelle réforme pour l’UPFF, via un système de certificats qui baliserait le rendement offert aux investisseurs et lutterait ainsi contre l’opacité mise en place par des sociétés intermédiaires. Un système refusé par uMédia qui réclame, de son côté, des contrôles renforcés.
Sans remettre en cause les informations livrées par uMédia et publiées par Marianne, Muriel Gerkens, députée fédérale Ecolo, en appelle au gouvernement et au ministre des Finances, Koen Geens (CD&V), pour renforcer les règles et permettre au système de tax shelter d'aller massivement à la production de films. "C'est l'inertie du gouvernement qui porte préjudice à toute une industrie. Depuis le printemps dernier, tout le monde s'accorde pour corriger l'outil et sortir des jeux spéculatifs le plus rapidement possible. Aujourd'hui, le ministre des Finances fait comme s'il découvrait la situation", dénonce la députée à Marianne. Une situation qui devient chaque jour de plus en plus malsaine dans l'industrie du cinéma belge et qui conduit, selon Muriel Gerkens, à une "guerre" entre producteurs.

Pierre Jassogne
pierre.jassogne@mariannebelgique.be



> La suite de notre dossier « Tax shelter : la guerre est déclarée ! », ce samedi 18 janvier en librairie dans Marianne Belgique

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire