mardi 19 février 2013

Le parquet demande le renvoi d'Alain Rosenoer en correctionnelle

© Belga



Le parquet général de Mons requiert le renvoi devant le tribunal correctionnel d’Alain Rosenoer, directeur général de la Société wallonne du logement, et de plusieurs fonctionnaires wallons dans une affaire de corruption présumée.

L’instruction 39/06, ouverte pour «corruption active et passive» par la juge Baeckeland et bouclée l’an passé par la juge Sylviane Pichuèque, charge la société financière IFCA SA, le cabinet de comptabilité Fidecom SPRL, la Société wallonne du logement (SWL), plusieurs fonctionnaires wallons, et la société de droit suisse Risk Management Group (RMG).

La justice s’intéresse depuis 2006 à l’IFCA, réputée proche de certains anciens dirigeants carolorégiens. En 2000, l’IFCA avait subitement remplacé Dexia pour gérer les fonds de pension de la Ville de Charleroi et de l’Intercommunale de santé publique du pays de Charleroi (ISPPC).

L’argent des pensions carolo, soit quelque 35 millions d'euros, avait ainsi été placé par l’IFCA dans des contrats d’assurance de la Branche 23 proposés par la Société Générale de Paris. Un placement plus risqué que chez Dexia, qui gérait jusque-là ces fonds de manière satisfaisante.

Le réquisitoire du parquet, bouclé le 8 février dernier par la substitute Catherine Badot, reproche aux deux administrateurs de l'IFCA, Daniel Wautelet et Raymond Thibeau, d’avoir reçu de la Société Générale près de 1,6 million d'euros de commissions «d'apporteur d'affaires» qui se sont retrouvées sur des comptes en Suisse et aux Bahamas.

Il leur est également reproché d’avoir touché des commissions similaires pour au moins 2,4 millions d’euros, dont une bonne moitié versée par la Compagnie de Trésorerie Benjamin de Rothschild, afin de remercier les deux hommes d’avoir vendu certains produits financiers à la SWL et à la Société wallonne du crédit social (SWCS).

Daniel Wautelet et Raymond Thibeau ont été inculpés en février 2008. La substitute demande aujourd’hui leur renvoi en correctionnelle.

Séminaires au ski et essuies Hermès

Dès la fin des années nonante, l’IFCA a conclu plusieurs conventions de consultance financière, notamment pour des conseils en gestion, avec la SWL comme avec d’autres institutions: SWCS, Office national de l’enfance, Fonds Houtman, Fonds du logement des familles nombreuses de Wallonie…

Dans le même temps, une quinzaine de fonctionnaires auraient profité de menus cadeaux: le réquisitoire évoque des hébergements en Suisse et un week-end au ski en 2007, ainsi que…des essuies de plage Hermès. Le tout offert par la société suisse RMG, dirigée par Guillaume Pieyre, un proche de Daniel Wautelet. Suite à ces cadeaux, certains fonctionnaires wallons, dont la directrice financière et le directeur de la comptabilité de la SWL, «ont effectivement usé de l’influence dont ils disposaient» pour favoriser RMG, estime le ministère public.

Alain Rosenoer, lui, n’a pas profité de ces libéralités. Mais on lui reproche d’avoir permis à Pieyre de participer à des réunions internes à la SWL, ce qui aurait avantagé sa société RMG dans plusieurs marchés publics. Pieyre aurait en effet profité de ces réunions pour «obtenir des informations financières relatives à la SWL et (…) distiller des conseils qui peuvent influencer les appels d’offre, lui permettant ainsi de favoriser des institutions financières anglaises qui vont commissionner sa société RMG pour les marchés publics qui leur seront octroyés», peut-on lire dans le réquisitoire.

Si les charges retenues contre Alain Rosenoer paraissent plutôt légères face à celles pesant sur les autres personnes physiques et morales citées dans le réquisitoire, cette demande de renvoi intervient politiquement au mauvais moment pour l’actuel directeur général de la SWL. Il a récemment été désavoué par son ministre de tutelle, Jean-Marc Nollet, suite à un audit sur la gestion des ressources humaines au sein de l’organisme qu’il dirige.

La Région wallonne examine pour le moment l’éventualité de se porter partie civile dans le dossier. En ce qui concerne le renvoi de la SWL en correctionnelle, le parquet précise à celle-ci qu’il serait «disposé à transiger en cette affaire moyennant le paiement d’une transaction de 10.000 euros».

Nicolas De Decker et David Leloup
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire