mercredi 16 avril 2014

Pourquoi Ecolo a-t-il si peur du 25 mai ?

(c) Belga
Ils affichent la bonne volonté de rigueur, mais, en leur for intérieur, les Verts désespèrent. Chez Ecolo, on ne voit pas arriver les élections qui viennent avec impatience. Voici les cinq raisons de cet effroi.

1. Parce qu’il n’a jamais gagné une élection en sortant du pouvoir

Ecolo n’est pas encore habitué aux victoires. Le parti a tant de mal à les digérer qu’elles sont systématiquement suivies d’une défaite, elle-même conséquente à de désastreuses participations gouvernementales. En 2003, les Verts vécurent l’horreur électorale. En 2004, à peine moins. Ils terminaient alors une législature aux affaires, celles des gouvernements arc-en-ciel de 1999, ceux de la catastrophe de la dioxine, celle du triomphe du scrutin du 13 juin (18% en Wallonie, 21% à Bruxelles et 12% en Flandre). Les régionales de 2009 furent grisantes, les législatives de 2010 cuisantes.
Ces défaites s’expliquent sans doute par une forme de candeur. Le pouvoir, ça use tant que ça s’apprend. Peu rodés à l’exercice, les écologistes exigent beaucoup, avant. Ils minent ainsi la solidarité gouvernementale pendant. Avec une constance qui les honore, ils énervent leurs partenaires de coalition. Donc ils concluent peu, après.
Avec une constance qui les honore moins, leurs alliés se plaisent à les laisser se planter. La finissante législature wallonne est à ce titre exemplative. Commencée avec la légitime mais vexatoire requête de Jean-Marc Nollet d’occuper les locaux qui étaient ceux de Jean-Claude Marcourt depuis cinq ans, elle aura pris des airs de Francorchamps 2002 à plusieurs reprises. Au point qu’on aura souvent eu l’impression d’une meilleure cohésion entre socialistes, humanistes et réformateurs qu’entre les deux premiers et leurs alliés verts de la majorité.
Des exemples? Genre, quand Philippe Henry refuse le permis d’un gigantesque centre commercial à Farciennes, personne n’empêche le socialiste Hugues Bayet de ruer. Au contraire même, humanistes et réformateurs font chorus. Ou quand Jean-Marc Nollet promet des mégawatts gratuits aux plus vulnérables, personne n’interdit l’humaniste Melchior Wathelet de crier que Nollet «prend les gens pour des cons». Au contraire même, socialistes et réformateurs font chorus. Pour le reste, faut-il encore évoquer les éoliennes et le photovoltaïque? Oui, il le faut. Mais uniquement pour souligner le révélateur silence du PS dans ces bruyants débats.

2. Parce qu’il n’est jamais monté au pouvoir sans gagner une élection

Ecolo n’est pas encore habitué à la particratie. Le parti doit donc vaincre pour gouverner. Cette anomalie politique est incapable de perdre électoralement et de gagner politiquement (copyright le glacial Gérard Deprez des nineties), c’est-à-dire d’entrer dans une majorité sans avoir amélioré ses résultats. D’abord parce que cette tendance à énerver l’adversaire-partenaire ne sert pas. Les Verts doivent plus que les autres s’imposer à table. Ensuite parce que les militants eux-mêmes, souverains pour décider d’une participation sans victoire, la percevraient comme une inadmissible compromission. Pis, en 2009, Ecolo n’était parvenu à se rendre nécessaire qu’en s’alliant avec le CDH, et dès lors que les deux grands, PS et MR, s’étaient déclarés mutuellement exclusifs. Puisqu’on s’attend, au mieux, à une stagnation par rapport au mauvais scrutin de 2010, on s’attend, aussi, au mieux, à une stagnation par rapport à la marginalisation de l’après-2010.

3. Parce qu’il ne sait que dire pendant cette campagne

Ecolo n’est pas encore habitué au pouvoir. Il n’a jusqu’à présent jamais gagné des élections que depuis l’opposition. Or, il est difficile d’incarner une opposition décidée alors qu’on sort de dix ans de pouvoir à Bruxelles, de cinq ans aux affaires à Namur, et d’un soutien à une réforme de l’Etat pilotée par un gouvernement fédéral auquel il faut contester tout le reste. Les stratèges écologistes cherchent à rendre leur message audible. En vain pour le moment, prisonniers qu’ils sont de la bipolarisation imposée par libéraux et réformateurs. Après les calamiteux épisodes photovoltaïques ou éoliens, la ligne verte, pensent-ils, ne mérite aucune tonalité. En témoigne la courbe rentrante sur une taxe kilométrique pourtant intrinsèquement écolo. Et la ligne rouge, censée séduire les déçus du PS, est occupée par le PTB.

4. Parce que le PTB va lui faire plus mal qu’au PS

Ecolo n’est pas encore habitué à la concurrence. Souvent, une victoire verte coïncide avec une déroute rouge (en 1999, voire en 2009), et vice-versa (en 2003- Ah, ces «Convergences à gauche»…, et en 2010). Ici, les deux pourraient pâtir conjointement de la croissance annoncée de la gauche de la gauche, en particulier du PTB. Mais Ecolo proportionnellement plus que le PS. Question d’arithmétique: une voix perdue affaiblit plus des verts qui en ont peu que des rouges qui en ont beaucoup. Or ceux-ci profitent d’un socle d’électeurs fidèles bien plus large que ceux-là. Et leur machine de campagne est bien plus puissante aussi. Elle tourne déjà à plein régime, turbine sur le vote utile, et moissonnera sur ces semailles dans les dernières semaines. Pas de doute à avoir là-dessus.

5. Parce qu’il ne sera indispensable nulle part

Ecolo n’est pas encore habitué aux négociations. Selon toute vraisemblance le rapport de forces donnera des cartes au MR, presque assuré de se retrouver au gouvernement fédéral, au CDH, dans la même situation, et au PS, presque assuré de se retrouver au gouvernement wallon. Mais aucune aux Verts. De la même taille, mais plus exigeant comme partenaire potentiel que le CDH, voire que le FDF à Bruxelles, Ecolo n’est assuré de rien, sauf de sa faiblesse. Il ne sera indispensable nulle part, et sera donc soumis au caprice prochain de ceux qui compteront après le 25 mai. Il ne peut donc pas non plus trop esquinter les autres. La donnée perturbe encore plus l’équation d’une campagne farcie d’inconnues. Trop. Voilà pourquoi Ecolo se prépare plutôt à un renon qu’à une prolongation de bail.

Nicolas De Decker

(Article publié dans M... Belgique du 4 au 10 avril 2014)

3 commentaires:

  1. On ne peut pas dire qu'Olivier Deleuze se mouille beaucoup. Hoyos parle, lui se repose dans son fauteuil de bourgmestre.

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  2. @ molinia. Comme vous dites,e grand moustachu se repose dans son fauteuil de "maïeur" et Miss Hoyos parle, elle parle beaucoup, beaucoup trop parce que ses discours sont tellement creux qu'il n'y a rien a comprendre tellement c'est stérile. Comme d'habitude ils joueront les utilités au PS contre un ou deux ministères...Même si ce n'est pas mérité car comparativement au boulot qu'ils ont fait, ils ne mériteraient que la place derrière la porte. Voyez ce que les 2 ministres écolos ont fait à la Région Wallonne...Les certificats verts, le photovoltaïque et le reste, rien que des échecs avec l'aide du PS et du CDH. Les écolos n'auraient jamais dû faire de la politique, ils auraient dû continuer à s'occuper de la faune et de la flore.

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  3. Ecolo est par nature un parti d'opposition. Plus à l'aise en effet dans le débat d'idées, pour défendre celles de l'écologie politique, que dans le cirque électoral. Sa participation éventuelle aux différents niveaux de pouvoir vise avant tout à influencer les décisions dans le sens écologique. Bon nombre de citoyens n'ont pas encore compris l'importance des défis d'environnement et de société, ni la gravité des menaces. Certains (pour lesquels je vois très bien "une place derrière la porte") auraient sans doute préféré que les écolos "ne fassent pas de politique". Je voudrais leur rappeler qu'ils (elles) font partie de la faune sur cette planète.

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