lundi 23 février 2015

Le mystère des fissures évaporées de Tihange 2

EXCLUSIF

La ligne oubliée du rapport de l’AFCN: quelle taille
maximale dans la partie basse du réacteur?


Presque mieux que celui de la Lettre Volée: voici le Mystère des Fissures Evaporées. Ou plutôt des données, des valeurs techniques qui se sont apparemment envolées du rapport de l’Agence Fédérale de Sécurité Nucléaire concernant l’état des réacteurs de Tihange 2 et de Doel 3.


© Belga

Tout comme dans l’énigme d’Allan Poe, l’anomalie n’attire pas forcément illico l’attention.
Ce qui a sauté aux yeux, lors des premières fuites parvenues à nos confrères du Soir, c’est la dimension des flocons d’hydrogène, communément appelées microfissures: jusqu’à désormais 9 cm dans la partie inférieure du réacteur de Doel 3.
Mais l’étrangeté cachée est, dans le tableau statistique reprenant la taille maximale des microfissures dans les deux centrales actuellement à l’arrêt, l’absence de tout chiffre, de tout résultat pour la partie basse (“lower core shell”) de Tihange 2.
Des “data” censées n’être pas encore connues selon le tableau ad hoc.

Le hic, c’est que, dans un autre calcul, le rapport de l’AFCN fait pourtant bel et bien état de la…moyenne des tailles des microfissures de la même partie basse de Tihange 2. Une pièce de métal considérée comme fort bien forgée- comme qui dirait théoriquement approuvée par le Dieu Vulcain- avec un nombre de “flocons d’hydrogène” jugé assez normal (80/85)
En 2014, selon la nouvelle méthode approfondie de détection des défauts, la moyenne –on insiste sur ce mot, la moyenne- des 85 microfissures répertoriées serait de 15,5mm/15,4 mm

D’ou deux questions toutes bêtes:

1. Comment diable a-t-on pu établir une moyenne des microfissures du “lower case shell” de Tihange sans disposer des tailles de celles-ci?
2. Mais où sont donc passées ces valeurs, surtout la taille de la plus grande fissure?

Pour faire encore plus simple, disons que la valeur maximale du “lower core shell” de Tihange 2 est étonnamment manquante des documents de l’AFCN.
C’est l’énigme de la ligne manquante. On a fait une moyenne mais sans reporter pour autant les valeurs maximales qui ont servi au dit calcul.
Reprenons le tableau, celui-là complet, de la “moyenne” des fissures à Doel 3 et Tihange 2?

Qu’y remarque-t-on? Que, dans les deux centrales, les valeurs moyennes des tailles des fissures sont plus fortes dans le “lower core shell” (bas du réacteur) que dans le “upper core shell” (le haut du réacteur, là où a sans doute lieu une moins grande activité du réacteur).

Question un brin dérangeante: se pourrait-il donc que les microfissures s’accroissent avec le temps qui passe? (on vous passe les détails scientifiques, mais ce qu’on appelle le “flux neutronique” est sans doute plus élevé dans le bas que dans le haut d’un réacteur) Vous suivez? Car c’est le moment d’en revenir à l’oubli, à la distraction, au petit rien, bref à l’étonnante ligne manquante du rapport de l’Agence Fédérale de Sécurité Nucléaire.

Quelle est diable la valeur maximale de taille dans la partie basse (lower core shell) de Tihange 2? Se pourrait-il qu’elle soit si gênante, si ennuyeuse qu’on l’ait ainsi oubliée? Ce n’est qu’une question, mais elle est légitime. Car en découle une autre interrogation: si les microfissures devaient suivre un mécanisme de croissance avec le temps, se pourrait-il que ces flocons d’hydrogène se développent jusqu’à une taille en mode ouhlala surprise-surprise. Se pourrait-il que cela fragilise progressivement le réacteur?

On ne crie pas pour autant au loup: mais ce serait tout de même bien que l’AFCN retrouve sa ligne manquante.

Sûrement une erreur de dactylo, boss?

Michel HENRION